Dialogue avec mon sac
Pour le défi, cette série d’haïkus débiles a été réalisée en introduction à l’article. Elle se nomme "Dialogue avec mon sac". Le haïku étant une forme d’écriture comportant des règles intransgressibles, j’aurais bien du mal à tenir le cap. Un peu de Culture :
Le haïku est une forme poétique d’origine japonaise composée de trois segments, selon le schéma syllabique suivant : 5 – 7 – 5 (assez lointain du schéma suit-la-bique au foot). Il doit comporter une référence à la nature, appelée kigo, et une césure, kireji. N’ayant respecté que la première règle sur les deux, j’ai déjà été bannie de l’ordre des haijin. Je me remets doucement de cet échec en mangeant des sushis devant Lost In Translation.
Nous laissons donc le Japon pour partir dans le sud-est de la Turquie, sur un sentier de randonnée côtière, "The Lycian Way", "La Voie Lycienne", "Likya Yolu". Pour des raisons évidentes d’invitation à la rêverie au milieu des étoiles, nous adopterons ici la traduction française. Vous remarquerez les initiales. Avec Milky Way ça marche pas, et on pense plus à un Twix, sachant que si on pensait plutôt à un Mars, ça aiderait plus à comprendre.
Haïku sûr sauf si
Y’a un chocolat d’étoile
Dans la Voie Lactée
Aéroport de Dalaman – Mercredi 29/04/2015
La vache ça caillait dans la soute pendant que toi t’étais tranquille en cabine. Ah non tu vas pas encore m’enfermer dans une… J’ai chaud maintenant, pi on est tout serrés ici. Tu fais chier je vais me chopper un truc je tiendrai pas 4 jours.
(Mon sac parle en italique, question pratique).
Portion : Fethiye - Ovacık
Ça y est on est arrivés ? Ah la vache c’est beau, bon je t’en veux pas. Tiens c’est Cloé ça non ?
Ouais essaye d’être agréable t’es plus tout seul.
Purée vous en faites des tours sur vous-mêmes. Ah bah quand même, c’est bien on commence le chemin officiel il est quasiment 16 heures. Bravo les filles !
Tu vois cette tortue c’est un peu comme toi et moi. Elle est sympa Cloé de la dépêtrer, t’aurais pas osé toi je suis sûr.
Elle était là avant, elle a dû en voir d’autres, Cloé faut qu’elle touche à toutes les bêtes. Une vraie Brigitte Bardot (d’autres initiales).
à Kayaköy : http://fr.wikipedia.org/wiki/Kayak%C3%B6y
Et tu me laisses pas là hein, y’a pas de toits sur ces maisons, au cas où il pleuve ou quoi, ça craindrait. Déjà que t’as failli me faire asphyxier ce matin et que j’ai crevé de chaud toute la journée. En plus y’a plus de Grecs, mais y’a plein d’Anglais, c’est vraiment trop bizarre.
à Ovacık : Un peu glauque ton hôtel là, hé vous allez où là ? Hé vous… ?
On va manger on revient, dors !
Ah vous vla, cet espèce de vieil hippie de réceptionniste a essayé de jouer un truc au synthé toute la soirée, vous avez raté quelque chose. Merci de pas ronfler, j’en ai assez entendu pour aujourd’hui.
Jeudi 30/04/2015 : Portion : Ovacık - Faralya
Ça grimpe un peu là, ça va tu me supportes ? La mer est splendide, pi ça sent hyper bon, le thym, le romarin, la sauge, la Méditerranée quoi. Je suis content que tu m’aies amené ici, t’étais partie dans les calanques sans moi, et d’après ce que tu m’as dit ça ressemble un peu à ça.
On a dit qu’on en parlait plus, pi j’avais pas besoin de te trimballer. T’es lourd.
On est pas bien là à se faire sécher au soleil ? Toi après ton petit rinçage de pieds dans la mini-cascade en attendant Cloé que t’es en train d’imaginer se faire attaquer par ce gros troupeau de chèvres acrobates mangeuses de ronces sur deux pattes dans des positions qui paraissent inadéquates ?
Si, ce serait bien que tu te taises.
Quelle vue ! C’est la vallée des Papillons ça alors. Ouah ! Mais où sont les papillons ? Pourquoi ça s’appelle comme ça ?
On en a vu plein de papillons, y’en a ptet toute une concentration en bas, mais bon on ira pas. Trop tard, et je t’aurais pas descendu de toute façon, c’est trop dangereux. Arrête de te plaindre, on a vu des paysages merveilleux aujourd’hui, le temps était radieux, ça sentait bon, on a vu une deuxième tortue dans la montagne, une salamandre, et on a fait peur à un gros lézard bleu.
Pfff. T’sais même pas si c’était un lézard.
Ça avait l’air d’un lézard en tout cas. Dors.
C’était bon ?
Ouais et la dame est hyper sympa, c’était un moment très agréable. Pourquoi tu dors pas d’abord ?
Je me disais que c’était dommage qu’on parte d’ici, pourquoi tu veux aller à Olympos ?
Bah, j’avais prévu ça comme ça, et du coup on repart d’Antalya. Allez dis au revoir à Cloé.
Vendredi 1er mai 2015 – 6h de bus…
Ah non me dis pas qu’on doit retourner à Fethiye ???
Désolée tu vas passer un sale moment, mais les plages avant Kaş et jusqu’à Olympos sont merveilleuses. La côte se déchire au rythme des vagues bleu turquoise, c’est spectaculaire.
Ouais c’est beau mais je suis de plus en plus serré, tu peux me dire pourquoi la contenance des bus en Turquie ne semble pas avoir de limite ?
Je sais pas, je me pose la question régulièrement moi aussi (à chaque fois que je prends le bus en fait, ou presque).
C’est un petit val
Où murmure une belle rivière
Et le soleil luit !
Qu’est-ce qui t’arrive ? T’as pas l’impression de plagier là en plus par hasard ?
Pardon, excuse-moi, je m’emporte. Ça méritait un haïku. C’est le lieu. Ça m’inspire ces cabanes en bois, cette énergie que l’on ressent. Tu posais à peine tes pieds à terre que j’étais déjà séduit.
Formidable. Je vais manger un truc, jouer à la tavla et perdre lamentablement, histoire de contredire ma précédente expérience de tavla contre un Turc, et je reviens, sois sage.
T’arrives à dormir toi au creux du val ?
Non, je pensais pas que ça se transformait en bar dansant autour du feu toute la nuit. La musique et l’ambiance étaient sympas, c’est juste qu’on est pas venus pour faire la fête avec des babouzes (on marche nous d’abord), et puis…quand même un peu de dignité ! Imagine la scène :
Et le tout en Turc…
Samedi 02/05/2015: Portion : Olympos – Phaselis
C’est des grenouilles qu’on entend ?
Ouais. C’est chouette hein ? Agréable non comme bande sonore ?
Ouh toi t’es touchée. Fais gaffe tu vas te mettre au lait de soja, aux lentilles corail, et au yoga.
T’es trop cliché. Et là de plus en plus lourd. Purée c’est quoi ce chemin dans le sable, bon la plage est magnifique mais enfin là tu pèses sérieusement. Ah pi là y’a plus d’autre choix que de traverser une petite rivière de mer. T’es lourd et encombrant.
C’est drôle quand même de s’arrêter boire un café et de se faire servir par un Turc alsacien non ?
…
Tu boudes ?
…
On se paye un sentier de crête formidable, l’eau est transparente, ça donne envie d’y plonger. On arrive à une crique, puis une autre...puis une autre, suivis par deux papis russes et un trio russe (décevant par rapport à la combinaison précédente non ?). Nous sommes cernés. Heureusement que t’as pas de roulettes.
Tu m’énerves.
Bon on a suivi le chemin, mais on va attendre 5 minutes l’ennemi parce que là euh, chais pas. Ouf ! привет !
Bon on a perdu le chemin, mais on va escalader par là, ouhla j’ai un peu la trouille. Merci de ton soutien, t’es gênant et tu me dis même pas un petit mot d’encouragement. Ah, ouf encore, здравствуйте !
Extrait du "Guide de survie en territoire sauvage possiblement infiltré par des taupes ennemies" :
я люблю тебя, До свидания ! Super technique, on ne les a jamais revus. Tu crois qu’on peut boire l’eau de la rivière ? Elle est toute fraîche, propre, pi surtout on a plus d’eau quoi. Qu’est-ce t’en penses ?
Tu sais c’est toi qui auras la marchista, moi ça m’est égal.
Normalement on est arrivés, alors on va patienter. Un défilé de voitures nous acclament, y’a plus de panneaux, c’est quoi ce délire ? J’appelle B.B.
Alors ?
Mauvaise nouvelle. Le copain de Brigitte dit que c’est bizarre qu’on se retrouve sur la grand-route, et que les panneaux de sentier qu’on a vus ne jouent pas en notre faveur. Bref, il pense qu’on s’est complètement plantés. Ce serait étonnant franchement. J’vois même pas comment c’est possible. Tu me connais.
Bonjour Monsieur du Camion !
Que vous êtes véhiculés !
Que vous me semblez sain d’esprit !
Tu comptes faire les 70 kms jusqu’à Antalya dans ce camion ? T’es sûre de toi ?
Arrête d’envoyer des ondes négatives. (Une minute plus tard): Ah stop stop stop, Tekirova ! On s’est pas trompés, youpi !!!
Quand même, pas très fiables ces Turcs. Le copain de Brigitte qui te croyait complètement à l’ouest, et ce camionneur à 25 kilomètres de Tekirova… 25 kms en une minute, même fort comme un Turc, ça me semble plutôt équivalent à la vitesse de la lumière.
Je te rappelle qu’on est sur la Voie Lactée. Tes interventions sont désagréables. On va prendre le premier bus qu’on trouve pour Antalya et finies les aventures !
Non non non regarde, un panneau pour Phaselis !!!
Ah un marécage…ok… Quelle journée mon vieux, on a tout eu !
L’accès à la cité est fermée, on va rentrer avec ces pêcheurs jusqu’à un village d’où on aura un bus pour Antalya.
Hé, mais tu me coinces entre une roue de secours et la paroi d’un coffrinou (petit coffre). Ouah pi ça remue dans le sous-bois, je vais tomber !!!
Mais non je te surveille, profite du coup de vent, c’est trop cool un voyage en jeep pour finir !
Voix off :
Le périple se termine par une heure et demie de bus qui se remplit à en craquer jusqu’à Antalya. Notre bonne étoile, fidèle au poste, établit une communication entre nous et notre voisin de bus, qui, en bon gentleman, va nous accompagner jusqu’à la ruelle menant à la pension finale. Nous sommes toujours aussi reconnaissants de cette générosité naturelle de nos amis les Turcs. Malgré la galère pour trouver l’endroit où passe le bus pour l’aéroport dont nous avons été les protagonistes inquiets au vu de l’incroyable défilé des minutes en ce dimanche 3 mai de l’année 2015, nous sommes arrivés sains, saufs et à temps. L’avion avait même une heure et demie de retard au cas où. La bonne étoile avait tout prévu. Il nous tarde à présent de retourner dépoussiérer les étoiles de nos pas légers. Là-bas, dans la voie lactée.
C’est pas en haut plutôt ?