Bir zamanlar...
Il était une fois un simit. Vous vous posez déjà cette question fondamentale dont l’absence de réponse empêcherait toute compréhension de l’histoire qui va suivre : « sikoi un simit ? ». Et non le simit n’est pas, comme son nom pourrait le laisser penser, le fruit de l’amour entre une scie et une mite, même si l’idée d’en faire un mythe m’habite.
Le simit est une auréole croustillante de pâte à pain parsemée de sésame qu’il est doux de savourer chaque matin, ou quand bon vous semble, car il défie l’espace et le temps. Il est partout et tout le temps.
Oui, le simit est partout, il y a fort à parier qu’Atatürk en était jaloux. Frais et encore chaud dans les fırın, disponible à tous les coins de rue dans les roulottes à simit, à bord des ferries, joliment disposé parmi ses congénères, sur un plateau porté par un vendeur hurlant « simit » dont la reconversion en marchande de poisson serait un succès sans conteste, il est partout.
À ce moment de l’histoire, vous avez compris que la durée de vie d’un simit n’excède que très rarement 24 heures, et que son sort est inévitablement celui d’être mangé. Inévitablement, mais variablement.
Comme j’ai beaucoup d’affection pour lui et que c’est le ravissement de mes papilles au réveil, je vais vous conter ici deux versions romantiques de la disparition du simit.
La disparition – Version 1 : Eat me with love
En accompagnement d’un kahvaltı gourmand le dimanche matin, son goût atteint son paroxysme. Les pide et autres pains blancs peuvent retourner au placard. Le petit dej turc monsieur c’est un art. Concombres et tomates tranchés, fromage et olives noires saupoudrées de kekik (herbe traduite par « thym » sur tous les dicos en ligne mais qui a le goût et l’odeur de l’origan), sucuk (saucisse épicée à base de viande hachée, prononcez "soudjouk"), œuf à la coque (là, pas de digression envisageable, ah si tiens, une anecdote, mais après)…et lui, que demander de plus ? Un café turc peut-être ? Allez !
[Parenthèse anecdotique : La première fois que je suis allée acheter des œufs, c’était chez le marchand de fruits et légumes du coin, parce que j’étais sûre d’en avoir vu, posés sur des tomates, ou autre chose, en passant devant un soir. J’arrive et je me rends compte que je ne sais pas dire « œuf ». N’ayant recours qu’aux gestes et aux mimes pour me faire comprendre, je procède et mon spectacle fait flop. Me voici donc obligée de combiner deux mots « tavuk » (poule) et « bebek » (bébé), et là aussi, j’essuie l’idée d’aller me faire cuire un œuf d’un revers désemparé. « Tavuk yok » (ni de bébé à vendre me dis-je, et puis je me dis aussi qu’on sait sans doute pas qui de l’œuf ou de la poule en Turquie aussi, donc je comprends l’abandon de cette question métaphysique formulé par ce « il n’y a pas de poule », auquel le bon monsieur aurait pu ajouter « je vends des fruits et légumes connasse », en Turc, ce à quoi j’aurais souri bêtement). Fort heureusement, l’épicier-charcutier d’à côté avait suivi mes ébats linguistiques, et me fait signe de venir, en me désignant son panier d’œufs frais (et blancs, ils sont tous blancs les œufs ici), et prononce ce mot magique « yumurta ». Il va sans dire que j’en achète des milliers pour me prémunir de toute humiliation future. Quelque temps plus tard, je retourne chez mon marchand de légumes, et c’est tout sourire qu’il me montre, là, posés sur des tomates, ou autre chose, des œufs. Merci Monsi-œuf.]
Évidemment, comme toute bonne chose se respecte, le kahvaltı est une institution, et il est des endroits où l’on lui rend divinement hommage. Ben oui, évidemment chez soi c’est bien, mais au bord de la mer, avec plein de fromages différents, et une tonne d’autres options en plus, c’est mieux. Ici par exemple : https://www.google.fr/maps/place/Moda+Van+Kahvalti/@40.980399,29.023825,17z/data=!3m1!4b1!4m2!3m1!1s0x14cab860d0fa66db:0xcd20cd9a75c2542d
La disparition – Version 2 : Mourir sur scène
Les mouettes jouent aux ombres chinoises dans le contre-jour du soleil posé sur l’eau, encouragées pour le spectacle par les passagers, qui leur lancent en plein vol des morceaux de notre héros. Et aussi tragique soit-il de se voir ainsi disparaître, mourir pour voir naître sur le visage d’un enfant un sourire béat d’admiration devant la saisie du mets par la mouette en plein vol, ou être l’occupation d’une mémé armée jusqu’aux dents pour nourrir ses bourreaux et lui sublimer sa traversée, ça vaut le sacrifice. Et ce n’est pas Marine qui le contredira (et pourtant…) !
Il était une fois Marine à Istanbul. Si vous me connaissez, plus ou moins, vous ne vous posez pas cette question fondamentale dont l’absence de réponse empêcherait toute compréhension de l’histoire qui va suivre : « Qui est Marine ? ». En plus, décrire Marine, ça relève du défi, et malgré une étude du sujet menée depuis plusieurs années, je ne pense pas être capable de le relever. En plus, ce serait gênant, surtout pour elle, et ce n’est pas le but de du jeu, alors je ne vais pas le faire, même si du coup l’idée me titille... Allez non. Quoiqu’on pourrait dire que je parle de M, personnage anonyme, et afin que vous vous familiarisiez avec le personnage du conte qui va suivre, je serais libre d’en faire un portrait détaillé. Mais non, non, non.
Mesdames et Messieurs, oyez bonnes gens ! Après Marine à la plage, Marine à la montagne, et Marine à la ferme, voici Marine à Istanbul !
En arrivant à Istanbul, M. n’avait pas un milliard de choses en tête mais 4 :
1. Visiter à la cool
2. Se reposer
3. Manger des « trucs bons »
4. Aller au hammam
Comme nous sommes aussi gourmandes l’une que l’autre (et l’une tendance fine gueule), nous avons mangé plein de trucs bons, dans des endroits qu’il a été savoureux de découvrir. Attention ! Dégainez vos ceintures, oubliez votre frigo, et faites marcher vos papilles.
Ah le menemen, premier coup de foudre, quoi que many men pourraient en engendrer plusieurs. C’est quoi encore ce truc ? Je lis dans vos pensées. En gros, c’est des poivrons, des tomates, et des oignons que l’on fait poêler dans lesquels on casse des œufs (encore eux), et puis on mélange le tout, et on laisse mijoter. On peut ajouter de l’ail, du fromage, du sucuk (encore !!!), ou des champignons (pour ceux qui aiment ça, c’est souvent leur préféré).
Conseil aux touristes (ah !) : 2 adresses menemesquement vôtres :
1. Le Lusnika, « mon » bar, ambiance agréable, service décontracté dû à la consommation indéniable de tabac relaxant des serveurs.
2. Le Sen Cafe, dans une petite rue sympa, avec un décor intérieur signé « chez mamie ».
En allant à Sultanahmet, dans l’idée de visiter les fameuses citernes souterraines, et après quelques pérégrinations dans le quartier, nous suivons les conseils de mon guide (en papier) et nous posons au Rumeli Café. Le décor est magnifique, tout de pierre et de bois vêtu, avec une cheminée, mais nous préférons nous installer dehors pour avoir froid, et jouir de l’ambiance de la rue, chère à la touriste (M-ystérieuse), aussi. Deux évènements culinaires ont surgi.
Mes papilles communient au sultan leur accord avec cette phrase mythique qu’il aurait prononcé à la fin de son plat, léchant sans gêne de sa langue royale ce qu’il restait de sauce dans son assiette, avant de se précipiter en cuisine et de s’agenouiller devant son cuisinier : « Putain j’ai troooooooooooooooooop kiffé ! »
Ce fameux cuisinier s’était fixé un objectif de carrière qui pousserait Jamie Oliver à se jeter dans ses fourneaux de l’enfer, écœuré de lui et de ses top chefs de ne pas y avoir pensé : faire mourir de plaisir tous les gradés de la conté (le sultanat au fond, mais la rime pour la forme). « Tiens tiens, v’la l’imam » se dit-il, en se frottant les mains et en aiguisant ses couteaux (les deux à la fois, ce type est trop balaise). « Je m’occupe de vous monsieur », sourire en coin, avec cette petite flamme dans le fond de l’œil droit. Il braise des aubergines, les farcit avec de l’oignon, de l’ail et des tomates, cuits dans de l’huile d’olive et passe le tout au four. Le plat joliment dressé, avec une petite motte de riz moelleux, il apporte son plat lui-même à l’imam (et non à luimam). L’imam est étourdi par l’odeur alléchante de son plat, et son front commence à suinter. Il se délecte de chaque bouchée, et c’est maintenant des coulées de sueur qui lui glissent dans le dos. Il frissonne, mais ne peut s’empêcher de continuer à manger. A la fin du plat, c’est tremblant de plaisir et rouge écarlate, qu’il prononce ces mots, avant de s’évanouir : « Je peux mourir maintenant ».
Il va sans dire qu’on ne saurait prétendre avoir exploré la cuisine turque en se privant de meze (du persan mazze « saveur »). Alors, on l’a fait ! Et depuis que j’ai découvert cet endroit, je ne me lasse pas d’y retourner de temps à autre, pour atteindre la pâmoison chère aux imams et autres sultans.
THE adresse, renommée, qui a la cote, sans les os, et sans viande, ce qui n’est pas fait pour déplaire à M(-iam) : Çiya Sofrası. Ok mais « qu’est-ce qu’on mange alors si y’a pas de viande ? », s’interroge l’homme-nivore (l’ovni mort ne se posant plus de question). Ben justement, c’est mystérieux, mais alors ce que c’est bon… Y’a un truc rouge qui pique, comme une sauce assez épaisse, avec de la noix concassée finement dedans, à base de tomate et de poivron rouge, dont j’ai oublié le nom. Y’a la fameuse patlican salatası, qui est une sorte de caviar d’aubergine, version goût fumé. Des sarma, qu’on appelle à tort dolma en France, et des dolma, qui sont ce qu’on devrait appeler sarma en France. T’as suivi ? Non, bon je t’explique rapidement. C’est la même chose en fait, enfin non, ça va t’embrouiller. En gros, la farce, c’est du riz très cuit, dans des épices qui donnent un petit goût sucré, avec des raisins secs souvent. Bon si tu enroules ça dans une feuille de vigne, t’as fait un sarma et si tu mets ça dans une courgette, ou une aubergine (préalablement creusées et cuites à la vapeur), t’as fait un dolma. Et si tu utilises une feuille de chou, grand fou, tu as fait un lahana sarması !
Pour en revenir aux meze, la liste est longue, je vais vous épargner, le mieux c’est de venir y goûter !
Une petite chose juste, parce que le nom est marrant, et ça ajoute un peu d’exotisme, s’il en manquait : tu peux manger tout ça (si parce que ça se sert en petites portions) avec du puf lavaş (à prononcer pouf la vache) ! Le lavaş, et j’écris « le », parce que c’est automatique, comme le lavage, vu que c’est une sorte de pain, est donc une sorte de crêpe faite non pas avec de la pâte à crêpe mais avec de la crêpe à pain. On fait un milliard de börek avec ça, et le börek, ça mériterait un article en soi parce que je ne vous dis pas comme on en fait à toutes les sauces. Pour faire simple, c’est des feuilletés, mais ça ne vaut pas le pâté lorrain.
Vu que vous devez commencer à avoir la tête qui tourne avec toutes ces explications biscornues et le ventre qui gargouille, je vais finir ce topique des toques turques par un truc simple, qu’on trouve dans toutes les rues : le jus de grenade (nar suyu). Ah si vous aimez les jus comme M aime les jus (mais que les vrais), Istanbul vous souhaite la bienvenue. Dans n’importe quelle rue, tu peux toujours trouver des petites remorques en bois, avec des fruits dessus, des oranges et des grenades souvent, et un pressoir magique. Tu payes ça l’équivalent d’un euro, si tu te fais arnaquer. C’est frais, c’est bon, c’est pas cher, et ça fait vivre des gens qui ne doivent pas avoir grand-chose, bois-en !
Pour la suite des aventures de Marine à Istanbul, je vous propose un petit roman-photo. Je vous préviens, on ne parlera pas des soucis d’acné de Juliette au moment où Roméo a enfin daigné l’amener au Mc Do, et vous ne connaîtrez donc jamais le dénouement de cette histoire qui augurait pourtant un nombre de rebondissements incroyables, dans ce genre là :
(Juliette reçoit un texto de sa copine préférée) :
« Ouah sa crin coman tu va fer ? »
« Ché pa, tro la onte, la peste soit de tous mes boutons »
Sans enchaînement logique, revisitons ensemble le concept du roman-photo :
Nous commençons notre périple par un tour à Karaköy, dont je vous ai déjà parlé. Ici les teintes en poudre qui habillent les murs de la ville (je dis ça, j’en sais foutre rien, mais j’vois pas bien à quoi ça peut servir d’autre qu’à fabriquer des peintures. Si quelqu’un a une idée…).
Le panda de Léolunatic qu’on trouve un peu partout dans la ville, dans différentes postures. Ici avec un narguilé.
Un graff dans Kurtuluş (en turc, « délivrance », quartier baptisé ainsi après avoir pris feu, anciennement peuplé de Grecs, qui sont donc partis n’ayant plus de toits… oui, c’est horrible cette anecdote)
… le temps était particulièrement pourri, et on a mangé dans un resto dont je ne vous ferai pas la review, parce que ça se mérite une review !
Nuruosmaniye Camii, à côté du Grand Bazar, joliment éclairée, avec de beaux reflets sur son parvis, merci qui ? merci la pluie !
Rüstem Paşa Camii, une autre mosquée (nous sommes ici dans la ville qui en compte le plus au monde), à un endroit insoupçonnable, une porte dissimulée dans un coin de rue aux mille boutiques, à Eminönü, on monte un escalier et paf !
Dans la cour de Süleymaniye Camii, celle de derrière, quand le soleil décline. C’est d'ici et à ce moment-là qu’on a la plus belle vue sur Istanbul, selon de nombreux experts (dont moi).
On a donc marché le long du Bosphore, de Kabataş au fameux palais de Dolmabahçe, malgré la menace d’un engloutissement par l’une de ces vagues gigantesques.
C’est ainsi que se terminent ces histoires. Je pourrais vous raconter le hammam turc, mais j’ai peur de vous effrayer. Dans la même pièce, on peut voir ce qu’on était avant, ce qu’on est maintenant, et ce qu’on pourrait devenir. Je ne vous fais pas de dessin, et je n’ai évidemment pas de photos. À bientôt pour de nouvelles aventures, j’me casse à Nemrut !