Kapadokya

Publié le par Claire T

Cappadoce, Cappadoce, Cappadoce... Il faudrait écrire ton nom à l’infini pour parvenir à restituer ta beauté. Je ne suis pas sûre de pouvoir y arriver et je ne sais même pas par où commencer. Il y a un début et une fin sans doute, mais ils se sont perdus dans tes formes tantôt arrondies, tantôt aiguisées, parfois incongrues, souvent insolites, parmi ces grains de sable qui t’ont donné vie. Je vais tenter de retracer mon parcours dans tes terres pour te faire renaître ici, en réactivant mes souvenirs ébahis par ta splendeur irréelle.

Aéroport de Kayseri. Mardi 3 février 2015.

Un dolmuş m’attend pour m’emmener à Göreme, petite ville au cœur de la région, bien située, mignonne à souhait et disposant de toutes les commodités. Le chauffeur est très sympa, on échange un peu en Turc, et je réalise que je peux avoir un semblant de conversation pour mon plus grand orgueil. En basse saison, il fait les transferts des aéroports aux villes-dortoirs des touristes, mais il est potier de métier, à Avanos. Je lui demande quelles sont les spécialités de la région et il me donnera le nom du restaurant où j’ai le mieux mangé de ma vie en Turquie.

Point culturel n°1 : la poterie est à l’artisanat ce que la cape est à l’os.

Entre l’aéroport et Göreme, le paysage est ondulé de collines à la roche vert pâle, désertiques, Istanbul est bien loin, et tout à coup, au détour d’un virage, je n’en crois pas mes yeux, qui seront mis à rude épreuve, au contresens du terme, tout au long de ces quelques jours. Entre des pics de roche blonde se dressent des cheminées de fées, sortes de phallus chapeautés en pierre en réalité, mais bon, quitte à donner un nom, autant faire dans le politiquement correct concordant avec le décor, il est vrai, tout droit sorti d’un conte, surtout dans un pays où les phallus ne portent pas de chapeaux, imaginez le scandale… J’arrive à mon auberge, Ishtar Cave Pansion, dont je ne vais pas vous faire ici la review, mais elle est consultable sur hostelworld si vous voulez vraiment rentrer dans les détails, attitude à n’adopter sous aucun prétexte en logeant au dit endroit. Cheap can’t be chic, can it ? Je me promène dans la ville où à la tombée de la nuit, les lumières des maisons troglodytes invitent à un voyage hors du temps, et me dirige vers le centre pour déguster un testi kebabı délicieux.

Fromage sec et âpre au nom inconnu, hummus et pide - Testi kebabı au poulet
Fromage sec et âpre au nom inconnu, hummus et pide - Testi kebabı au poulet

Fromage sec et âpre au nom inconnu, hummus et pide - Testi kebabı au poulet

Point culturel n°2 : https://www.youtube.com/watch?v=jyQSsQonzfQ

Armée d’huile essentielle de lavande (repousseuse de bêtes en tout genre) et engoncée dans mon drap de soie, je vais au lit tôt pour partir marcher avant le lever du soleil le lendemain matin. Il fait 40 degrés dans la chambre « cave », et entre 5 et 10 dans la "salle de bains-toilettes-douche à l’eau tiédasse sans cabine à effet nettoyeuse de chiottes", mais ce n’est pas grave, la suite envoie du rêve.

Mercredi 4 février 2015

Le soleil se cache derrière une épaisse couche de nuages, il est 6h45. Je ne le verrai pas se lever. Je demande mon chemin à un agent de sécurité aux abords d’un hôtel de luxe vers la Vallée Rose. D’un signe de main signifiant « tout droit », il me dit que la Vallée Rose et la Vallée Rouge sont par là. Je suis ravie que tout paraisse si simple et marche donc tout droit, en évitant évidemment les rochers qui me barrent la route. C’est alors qu’au loin, surplombant un lit de ballons endormis, je vois un homme de dos, à côté du pied de son appareil photo. Je pressens le spectacle qui va s’offrir à moi. Je ne vois pas le soleil se lever non, mais des dizaines de montgolfières qui colorent le ciel de leurs teintes enflammées. Une fois passés les cris des touristes asiatiques au décollage des nacelles, le fond sonore qui berce mes pas est celui des flammes regonflant les ballons. Seule au monde, mes bruits sont une infraction au silence majestueux qui règne sur la vallée, comme si la nature elle-même avait le souffle coupé par le fruit de sa création. Je suis émerveillée à chaque pas, où que je regarde, tout est incroyable, déroutant. Le moindre nuage qui s’éclipse métamorphose le paysage, oscillant entre Far West et Star Wars avec une aisance déconcertante.

Je n’ose pas rentrer dans ces églises abandonnées depuis longtemps déjà aux fresques délavées par le temps, et à un moment donné, j’avoue, je me perds un peu et je commence à espérer que le crétin qui a fait le marquage des pistes a été licencié pour mauvais et non loyaux services. Ouf, sortie de nulle part, je vois une bâche bleue qui a l’air d’une sorte de campement. Je crois au mirage, mais non, il y a de la vie ! (Entretemps on était passés à Tintin au Pays de l’Or Noir, chais pas si vous avez suivi). Un homme me dit bonjour dans toutes les langues et me propose de rentrer sous la tente. Très sympa mais un peu insistant, parfaite caricature du Turc donc, il m’offre un thé et un café, sans manquer de me proposer dix fois de me faire faire un tour sur sa moto, d’autant que la pluie s’annonce et que vraiment t’es sûre que tu veux pas revenir ce soir manger un barbecue et après je te ramènerai au village derrière ma moto ? N’allez pas vous imaginer que je suis rentrée sous la tente d’un inconnu hein, Enver a des quads qu’il loue aux touristes et le meilleur vin chaud sans vin de la région (si, il l’appelle vin chaud quand même, j’aurais bien suggéré sangria chaude, mais ça ne faisait pas plus de sens). Vous pouvez le rencontrer juste avant Çavuşin, un très beau petit village. Réchauffée, je reprends ma route jusqu’à Avanos, en passant par les vallées de Paşabağı, et de Zelve, toutes deux regorgeant de surprises sculptées par les cieux.

De retour à Göreme, je vais boire mon café turc chez cette dame dont je me suis prise d’affection, va savoir pourquoi, peut-être parce qu’elle a des yeux réconfortants, qu’elle pourrait être ma grand-mère et que j’aime créer des liens là où je vais, peu importe combien de temps j’y reste. Le soir venu, je cherche à voir le coucher de soleil cette fois, et je me lance dans les hauteurs de la ville. Je demande à un passant où se trouve l’endroit qu’on m’avait conseillé la veille pour ce genre de pratique contemplatrice et il me dit de le suivre. Le passant s’avère être le propriétaire d’un hôtel dont la terrasse domine la ville, et il me la prête comme ça, généreusement. Malheureusement, je rate encore le soleil. Le soleil pose des lapins lui aussi, ça n’aura échappé à personne, surtout en hiver. Pour récompenser mes jambes endolories, je mange à Dibek, restaurant incontournable si vous allez un jour à Göreme, le meilleur repas turc de ma vie (soupe au boulgour et saç tava au bœuf). Le cadre est authentique, murs en pierre et boiseries, le service agréable, on mange assis sur des coussins, déchaussés, et on se régale.

Mmmmmmmmmmm

Mmmmmmmmmmm

Point culturel n°3 : http://www.dibektraditionalcook.com/

Jeudi 5 février 2015

Je me lève, et je me bouscule, pas trop fort quand même parce que je ne suis pas sûre que mes jambes me tiennent debout. Cette fois je vais le voir mon lever de soleil ! Il est au rendez-vous, le ciel est on ne peut plus clair. Le paysage se découvre lentement de son voile rosé (Joséphine). On ne comprend pas que je veuille aller à la Vallée des Pigeons à pied, en me proposant de monter dans un taxi, tout simplement. Déjà hier cette histoire de moto, laissez-moi marcher bordel !

CQFS (devinez) : En Turquie, on ne marche pas. On prend des bus, des avions, des taxis, des bateaux, des tramways, des trains, et j’en passe, parfois dans la même journée, pour couvrir 200 kms (voire moins).

Dans la Vallée des Pigeons, il y a des pigeonniers, d’où le nom, et je ne sais pas comment ça marche, donc je ne vais rien vous apprendre, désolée. Cette ligne ne sert absolument à rien donc. Oublions-la. D’façon les pigeons ça fait rien que de faire des décos dégueulasses sur les bagnoles quand ça manque d’audace pour ruiner les manteaux, ou les cheveux, des piétons. Quand je pense qu’à une époque ils remplaçaient les téléphones ça me rend malade, quelle décadence. Ceci dit, j’aurais bien voulu être un pigeon dans la Vallée des Pigeons, ou ce petit chiot que vous pouvez voir en photo, dont l’heureux propriétaire, papi Durmuş, a une cabane en bois qu’il a construite lui-même, au bout, ou au début de la vallée, selon le sens de la marche. Arrivée à Üçhisar, on me répond systématiquement en français quand je demande mon chemin, et des maçons me réclament de les prendre en photo, en français également. Où diable don’ suis-je ? À Göreme, tout est traduit en japonais, en coréen et en chinois, et ici on me parle français…

À l’entrée de la Vallée de l’Amour, et vous comprendrez vite l’origine de ce nom, qui n’a rien à envier à l’Origine du Monde, je m’assois pour écouter les oiseaux et l’écho du silence provenant du canyon. Istanbul est tellement bruyante que cet instant n’a pas de prix. Je continue mon chemin, et je rejoins Çavuşin à nouveau, non sans m’extasier à chaque seconde. Une fois arrivée au village, je mange en terrasse chez un Monsieur fort sympathique, au français impeccable, qui me conseille une vallée sur la route du retour. J’ai les jambes sciées mais il est tôt alors je me dis pourquoi pas. Je recroise Enver, qui ne manque pas de m’inviter à venir barbecuter et qui n’a pas perdu sa moto. Mais je continue pour découvrir cette vallée inconnue, qui en fait…le restera. Cette fois je suis perdue. Y’a personne. Je ne sais absolument pas où je suis. Y’a pas de réseau. Le soleil se couche dans une heure. Mon Dieu un bruit. Un gros chien. Il m’a pas vu. (W)ouf. Qu’est-ce qu’il fout paumé au même endroit que moi d’abord ? Vais-je finir en croquettes pour chien sous l’un de ces tunnels naturels pas très longs mais suffisamment pour renforcer la peur qui s’installe en vous malgré votre tentative éperdue de vous raisonner et de vous servir des discours rationnels ? Non. Ah! Je vois un socle où il doit y avoir une carte…normalement. Il y avait une carte, mais le crétin qui s’est fait licencier parce qu’il savait pas baliser un chemin s’est vengé en enlevant toutes les cartes. Bon c’est pas grave, faut juste continuer à marcher en essayant de rester digne. Le décor n’existe soudain plus, pourtant c’est toujours aussi beau.

Ndlr : Pour avoir un aperçu des photos qui n’ont pas été prises par manque de sang-froid (et aussi de lumière hein ça va), tapez « Meskendir Vadisi » dans Google images.

Ah ! Je vois un socle où il y a peut-être une carte… Oui ! La route n’est pas loin ! Sauvée ! J’entends des voix en plus. Et les voix ont des gens, dont l’un me rassure en parfait français (décidément) que je ne suis pas loin de la route vers Ortahisar. Comment ça ? J’ai juste fait je ne sais combien de kilomètres dans la direction opposée, en effet… Je sors du canyon un peu comme un mort-vivant sortirait de sa tombe, je fais dépasser une main, puis l’autre, sans manquer de m’égratigner sur des vilains cailloux. Autant finir en beauté. J’atterris dans un champ de vigne, et devant moi une bagnole est grande ouverte et fait péter une chanson turque, mais personne. Derrière moi, le soleil se couche. C’est ce qu’on appelle un happy ending. Le timing était parfait, j’aurais voulu calculer le laps de temps d’errance j’aurais pas fait mieux.

Je marche vers un carrefour, et ne sachant pas dans quelle direction aller, pour changer, j’arrête une voiture pour demander où est Göreme. Le type me dit de monter, il est mignon, ça ne gâche rien faut bien l’admettre. Il ne va pas à Göreme, mais « il a deux minutes ». Il est patron d’un hôtel qu’il a nommé « Crazy Horse », pour attirer la clientèle française. Trop d’exotisme tuerait l’exotisme, et ça il l’a bien compris. Il a aussi bien compris que le touriste cherche bien souvent à recréer son chez lui où qu’il aille. Je lui demande de me déposer au Göreme Open Air Museum, pensant que je pourrai finir de voir le soleil décliner. Et ben non. En plus, finalement, il me reste bien trois kilomètres de marche jusqu’à ma douche froide. Je rentre lessivée, mais en vie, et réconciliée avec ma bonne étoile. Moralité : Quand tu sais où aller, tu trouves toujours quelqu’un pour te montrer le chemin. Show must go on.

Kapadokya
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K
C'est toujours un plaisir de te lire. Quelle Aventure!<br /> J'espère que tu trouveras encore ton chemin à Istanbul...<br /> Bises
Répondre
C
Merci Karine! Je trouverai toujours un chemin, ici ou ailleurs ;). Bises